Interview paru dans UR 05 (Décembre 97)

Red Wings Mosquito Stings

Encore un petit tour dans le sud. Je vous le dis là bas c'est une mine. Raté la dernière fois qu'ils sont venus en Bretagne mais, la prochaine fois juré craché, on y va. En attendant quelques mots pour se consoler.

Unity Rockers : Un petit historique ?
RWMS : Le groupe existe depuis au moins 6 ans. Au départ, on était que 3 (!) et on faisait de la musique sans faire de projets, juste pour le fun. Puis la troupe s'est agrandie, les concerts se sont multipliés et voilà ! La formation actuelle a 2 ans.

U. R. : Quel est l'état de l'équipe des moustiques aujourd'hui ?
RWMS : Une section cuivre (sax, trompette, flûte traversière), la rythmique basse, guitare, batterie et un chant. Aux sept musiciens s'ajoutent Pierrot au son, Joa et Guilhem pour les interventions de jonglage pendant les concerts.

U. R. : Pourquoi les moustiques ont ils les ailes rouges ?
RWMS : Le nom du groupe vient en partie de la photo d'un graf de moustique que le bassiste du groupe avait prise sur le mur de Berlin. Le moustique avait le contour des ailes rouge.

U. R. : la fréquence de vos concerts et de vos sorties ?
RWMS : On joue en moyenne une à deux fois par semaine dans toute la France, mais il nous arrive parfois de passer plusieurs semaines sans faire de concert pour pouvoir se concentrer sur la compo. En ce moment, on est au repos forcé, le guitariste s'est cassé le Ska... (c'est un os du poignet). [Prompt rétablissement à ce valeureux guerrier]

U. R. : Le Sud, le sud-ouest même, est l'endroit d'Europe le plus fertile pour les musiques proches du Ska, de plus le caractère de chaque groupe est très affirmé, avez vous une explication ? (attention cette même question a été posée à Skunk)
RWMS : C'est vair qu'il y a pas mal de groupes jouant du Ska ou mélangeant le Ska avec d'autres styles musicaux dans notre région. On peut trouver à cela plusieurs explications : la proximité de l'Espagne (où le Ska est bien implanté) ; avec beaucoup de groupes français qui chantent en espagnol, en catalan et qui intègrent dans leurs musiques des influences latines, Ska ; la présence d'une scène locale très "riche" et également relativement bien organisée et dynamique qui s'investit dans l'organisation de concerts (Marto's Pikeurs et le label I.D. sur Narbonne, les Kargol's et Mister White sur Perpignan, la Coca internationale sur Montpellier, le collectif de groupes "les Voûtes" sur Aspère, Axxam et Kanjar'oc sur Marseille, Zebda et Ca Bouge au nord sur Toulouse ....). Tout ça permet à ces styles de musique de se développer. Le Ska dans le sud (mais pas seulement) est souvent intégré dans des styles musicaux métissés, fusion, où se côtoient hardcore, rock, reggae, funk, raï, ... La région doit être propice aux mélanges. La scène Ska est une scène vivante et qui ne peut donc donner que de bonnes choses. Quant au caractère affirmé et personnel de chaque groupe ... je n'ai aucune explication. (Qu'en dit Skunk ?) [ à vous de lire UR N° 4]

U. R. : Une petite différence entre le nord et le sud ?
RWMS : Le climat ! Sinon c'est difficile à dire. Même si on a pas mal tourné dans toute la France (sauf dans l'Est, mais ce n'est pas un choix délibéré) il est difficile de comparer avec notre païs, puis ça dépend beaucoup des endroits où on peut jouer et des gens qu'on va rencontrer. D'une manière générale, on a ressenti des différences ou des particularités "régionales" plutôt qu'une différence Nord/Sud. Jouer dans le Centre, à Paris, en Bretagne (On adore) ou dans le Sud près de l'Espagne (idem), ce n'est pas exactement la même chose. Et puis surtout, faudrait savoir ce que tu appelles le Nord. Nous, on a beau monter, les gens se considèrent toujours au Sud.

U. R. : Qui dit Ska dit Skins. Pour vous ce sera plutôt Red, Trojans ou autre ? Aujourd'hui que pensez vous de cette scène et du public ?
RWMS : Nous ne sommes pas issus du mouvement Skin et notre style de musique rebute parfois les puristes du Ska. D'une manière générale, les Skins ne sont pas très nombreux à nos concerts ou plutôt le public est très varié et éclectique ; à l'image de notre musique. Nous nous sentons proches de tous ceux qui, Skin ou pas, revendiquent la tolérance et s'opposent à toute forme de fascisme et de racisme. Concernant la scène Ska, j'ai l'impression qu'elle est vraiment en plein développement avec une série de jeunes groupes inventifs qui commencent vraiment à faire parler d'eux. Il me semble que c'est une scène relativement ouverte, où tous les styles ont leur place (du "roots" au "hardcore"). Le fait que le Ska soit l'objet de tant de métissage contribue à élargir son public.

U. R. : Les projets à courts et long termes ?
RWMS : On bosse actuellement sur l'organisation d'une tournée d'une quinzaine de dates qui réunirait les Kargols, Kanjar'oc et les RWMS. Elle devrait avoir lieu début 1998 mais on vous tiendra au courant. Sinon, on a comme projet de sortir, courant 98, un deuxième CD. On veut par ailleurs poursuivre des projets qui sont un peu extérieurs au groupe mais dans lesquels on s'est investi avec projets de fédération de groupes, assos, zines sur Montpellier (la FADMA) et sur le Grand Sud (LOU TCHAOULE).

U. R. : De quels groupes vous sentez vous musicalement le plus proche, avec lesquels avez vous le plus d'affinités ?
RWMS : Il nous est souvent très difficile de qualifier notre style de musique, lorsqu'on nous le demande. De même, il est difficile de dire précisément tel groupe est musicalement plus proche de ce qu'on fait que tel autre. C'est plus au niveau de la démarche et pas uniquement musicale, qu'on peut plus facilement trouver des affinités. Un style ouvert et pas uniquement enfermé dans des stéréotypes, l'envie que chaque concert soit une vraie fiesta. Une volonté de fonctionner en réseau avec d'autres groupes ... Les Kargols, les Marto's Pikeurs, les Caméléons, la Ruda Salska, les Crazy Skankers, les Kanjar'oc, Skunk (qu'on ne connaît, pour le moment, que par téléphone) sont, entre autres, des groupes avec lesquels on est régulièrement en contact et dont on se sent proche !

U. R. : La Grande Motte près de Montpellier a été le théâtre de tensions dues à la tenue du congrès du FN en 96 (?), quel a été votre position à cette occasion ?
RWMS : Certains d'entre nous sont allés à la manif organisée à la Grande Motte contre l'université d'été du FN. Lors de ce congrès, Bernard Anthony, membre du FN et catho intégriste, a déclaré publiquement "On devrait occuper leurs mosquées et leurs synagogues puisque ces gens occupent nos églises (il parlait des sans papiers de Saint Bernard), je condamne ces chrétiens émasculés qui accueillent ces négros."
Le bassiste du groupe bosse dans une asso de défense du droit des étrangers qui a déposer plainte, avec d'autres assos, contre ces propos. Lors du procès, le procureur a pris la défense de Bernard Anthony. Les assos ont alors organisé une campagne de lettres de protestation et plus de 600 lettres sont arrivées sur le parquet de Montpellier en 3 semaines ! Nous nous sentons concernés par la montée de l'extrême droite et participons à titre individuel ou dans de le cadre du groupe à pratiquement toutes les actions qui s'organisent. Nous considérons par ailleurs que le "boulot" que nous faisons dans le cadre de la Coca (monter des concerts de soutien, participer à des animations de quartier en ville mais aussi en banlieue, ..), ainsi que dans le cadre de des réseaux et fédérations qui visent à renforcer la solidarité entre les groupes, les zines assos et, en se regroupant, à avoir plus de moyens, ce boulot est également une forme de lutte contre l'extrême droite ou les idées qui s'en rapprochent. Il faut, dans les domaines d'action qui nous sont propres, nous organiser et faire exister des lieux de résistance, de réflexion et de dynamisme.

U. R. : En règle générale quel est l'état de la mobilisation antifasciste à Montpellier.
RWMS : D'une manière générale, ce sont les assos ou groupes libertaires qui sont les plus actifs dans la lutte contre le fascisme (campagne d'affichage, expos, manifs, librairie, ...), mais leur combat reste essentiellement une lutte sur le plan politique. Si cet aspect ne doit évidement pas être négligé, je pense que l'extrême droite progresse surtout parce qu'elle ne trouve en face d'elle pas assez de résistance sur les terrains où elle prend du pouvoir (quartiers, syndicats, ...). Comme je te le disais, il faut mobiliser pour qu'un vrai système associatif autonome se développe dans tous les domaines de la vie sociale. Lutter contre le fascisme à mon sens, c'est permettre aux individus de se réapproprier le pouvoir de régler leurs problèmes, de mener leur vie comme ils l'entendent tout en respectant les autres.

Merci à eux.