Interview paru dans UR 04 (Novembre 97)
Skunk Taldea
PLUS COOL TU MEURS .........
On vous en a vaguement parlé le mois dernier pour vous
annoncer la sortie prochaine de leur second album ; pour vous
faire patienter une "petite" interview de ce band
monté en 1990, qui commence à tourner sur scène quatre ans
plus tard et qui depuis écume essentiellement Euskal Herria.
Des textes variés et des influences musicales multiples (du ska
root au punk), leur premier album est des plus prometteurs. Sans
compter que je ne les ai pas encore vus sur scène, mais ça doit
certainement décoiffer un tondu.
Questions ... Bon OK, on n'y était pas vraiment. Mais c'est que
le Pays Basque, ce n'est pas à coté. Pourtant on les imaginent
bien les gars de Skunk, se réunissant autour d'une bonne bière
pour répondre à nos questions. Y'avait là Fidel (heu !),
Filipe, Pollux (Re-heu !) et Kristof. Et au fait, vous m'en avez
gardé une au frigo ?
U.R. : Quel est
l'état du gang Skunk aujourd'hui ?
Filipe : Après 2 banques, 3 station et le
trafic de Patxaran : 6 mois de sursis, 4 fermes, diverses amendes
et 1 blessé.
Pollux : une gratte, une autre gratte, un boum tchak, un
clavier, deux trompes, une saxe et une basse.
Fidel : je vais avoir du mal à répondre après eux. Si
sérieusement, je crois après la sortie de ce deuxième album,
ça va péter des bulles. En tout cas, ici, on n'a pas entendu
quelque chose de pareil, c'est sûr. On a plein de projets qui ne
tiennent qu'a être lancés. On est tous dépendant de la zique
donc, on a tous intérêt à continuer dans cette ligne. Je pense
que le boulot fait ces derniers temps commence à payer.
U.R. : Pourquoi
traduire vos textes en espagnol et en français ?
Filipe : Etant situés à environ 200 m de
la "frontière" espagnole, Iban parlant mal le croate
et Fidel n'étant pas très à l'aise en suédois ...
Kristof : A Hendaia on mélange de toute façon les trois
langues quand on s'exprime...
Pollux : Parce qu'ici, on nous a dit qu'il y avait des
gens qui ne captent pas du tout le Basque.
Fidel : Pour le prochain, même la traduction en English !
Je pense qu'il est bien de comprendre les textes. Nous on a pas
de super textes, je veux dire poétiques et tout, mais, au moins,
tu as un petit plus, qui peut faire aimer ou pas le groupe. Il y
a beaucoup de groupes que j'aime mais je ne comprends pas ce
qu'ils disent, je pense que ce serait bien que tout le monde
fasse pareil, en tout ceux qui ont envie qu'on sache ce qu'ils
disent.
U.R. : Le Sud, le
sud-ouest même est l'endroit d'Europe le plus fertile pour les
musiques proches du Ska, de plus le caractère de chaque groupe
est très affirmé, avez vous une explication ?
Filipe : Le sang chaud, le soleil, les
minettes, les tortillas ...
Pollux : Je croâ que c'est autre choses que des groupes
de Ska. Pour accompagner la fête, rien de mieux qu'un bon Ska !
Fidel : c'est première fois que j'entends ça. Euskadi
est un endroit très propice pour le Ska. Je pense que maintenant
ça fait partie de la culture musicale, sans deeêk !
Kristof : Ici, chaque week-end, un village est en fête et
le Ska fait partie de la fête. Depuis Kortatu qui a utilisé
cette musique, les gens sont habitués à écouter ça, sans pour
cela se prendre la tête comme certains puristes ...
U.R. : Le Ska
pour vous, est-ce un filon ou une filière ?
Filipe : Filière ovine plutôt que bovine.
Pollux :maintenant que le Punk est vendeur, t'as plus
qu'à écouter du Ska pour te la jouer vraiment ReBêêeeellle.
Fidel : Skunk existe depuis 7 ans maintenant, on a vu
dernièrement beaucoup de choses s'agiter du coté Ska, pour nous
c'est bien, même si tout ce qu'on voit n'est pas toujours dans
l'esprit. Mais bon, qu'est-ce que tu veux, c'est comme ça ! Je
suis sûr, que ce qui ne nous connaissent pas d'avant, vont avoir
des pensées tordues, on est libre de penser ...
Kristof : On ne s'est jamais pris la tête à faire du Ska
ou autre chose. Notre musique est métissée mais ce n'est pas
vraiment du Ska. On se fout des étiquettes, des filières et des
filons. On fait ce qu'on sent et si on tombe sur un filon, tant
mieux on en profitera pour affirmer et diffuser nos idées !!!
U.R. : Vous
annoncez un second album moins Ska/Reggae et plus proche du
Punk/Rock, pourquoi cette évolution ?
Filipe : Les cheveux ont poussé, la
discothèque a grandi, Lady Di est morte ...
Pollux : l'enregistrement a été plus proche du son live
que pour le premier CD.
Fidel : Difficile de répondre, faudrait écouter et dire
après si c'est plus Punk/Rock. On est pas en train de batailler
sur un style concret en musique. On fait ce qui sort des tripes.
On a évolué vers plus de pêche mais les conditions ne sont pas
les mêmes, donc forcément il y a changement.
Kristof : On a la tête encore chargée du mix et du
studio. je pense qu'on a évolué mais peu être pas simplement
vers le Punk/Rock. Tu te feras une opinion en écoutant toi
même.
U.R. : Arrivez
vous à vivre de votre musique ?
Filipe : Rue Pitiligoiti : une moyenne de
13,50 F par jour. Rue Hapetenia 7.60 F par jour et pour l'instant
6 intermittents sur 9.
Pollux : Si tu veux, j'ai intérêt que ça arrive vite
parce que là ça devient chaud.
Fidel : Oui ! C'est dur mais oui. Euskadi est un bon
endroit pour le moment pour pouvoir survivre. Il faut bosser mais
c'est très possible. La preuve on est là et on y arrive.
Kristof : On en survit et c'est déjà pas mal.
U.R. : Qui dit
Ska dit Skins. Pour vous ce sera plutôt Red, Trojans ou autre ?
Pollux : Qui dit Ska ne dit pas forcément
Skins ! Mais Big Up à tous les chasseurs de fafs.
Fidel : On nous pose souvent cette, ou quelque chose qui
ressemble. On est pas Rude boy, ni faf, ni autre chose ; on est
des mecs et des meufs tout à fait normaux, chez nous les
musiciens sont très appréciés par tous, que le style soit
rock, Punk, Hard, Ska ou Reggae. tu peux très bien voir un
concert avec un mélange de toutes ces zigues et des gens qui
aiment tout ou rien. Mais il n'y a pas une musique pour un public
: c'est tout mélangé. Cool, non ?!!
Kristof : On a pas grand' chose à voir avec les crânes
rasés. S'ils affichent clairement leurs opinions on est OK, mais
on ne veut pas avoir un look aussi ambiguë (historiquement,
rappelles toi il y a 10 ans ...) et ne pas faire de politique.
U.R. : La scène
et le public Ska, dont vous êtes proches, a longtemps nagé en
eaux troubles. Quelle était alors votre position ?
Kristof : Les nazi skins on pourri les
choses. A l'heure actuelle les choses sont plus claires, la
majorité des gens qui bougent sont clairement anti-fafs.
Pollux : je te répète : tu peux très bien être Red
(bien Red même), Anar (bien anar même), écouter plein de Ska
et ne pas te raser la tête pour autant, non ? [Si] Fidel
: Il n'y a pas longtemps que je suis au courant de tout ça, mais
maintenant je connais toute l'histoire. Moi, je viens du Reggae
à la base et du Punk de naissance, c'est le mélange que j'aime.
Après le thème Skin head et tout, je m'en tape. Je respecte
tout le monde sauf si le mec n'est pas très clair. Tu sais des
cons, il en a partout. Au fond je pense que le mouvement Skin
head anti-fasciste est très bien, mais je ne me sens pas dedans.
je ne suis ni Rude, ni Red, ni Rebel ; c'est encore une
étiquette ça. Ah Basque je suis, oui ! Mais pas facho ! Peace !
U.R. : Aujourd'hui que pensez vous de cette scène
et du public ?
Fidel : c'est sûr, le passé de certains
zikos n'est pas tout rose et on en tient compte. On commence à
tourner pal mal ailleurs qu'en Euskal Herri, en France, en
Catalogne, Bretagne, Galice, Asturies et les bons collègues ne
manquent pas. Le public est différent partout et on n'y fait pas
gaffe.
Pollux : C'est en France que le public a l'air le plus
ambiguë. La faute est aux médias qui ont répandu l'idée Skin
= nazi. Mais bon, c'est en train d'évoluer vite et bien
apparemment !
Kristof : Plutôt en train de se développer d'une
manière alternative qui rappelle les années 80 du Punk/Rock.
U.R. : Les
projets à courts et long termes ?
Filipe : Un crédit à 8% pour acheter une
trompette en carbone. Un gosse
Pollux : A court terme passer à la question suivante, à
long terme continuer à boire des bières.
Kristof :La sortie de notre album "Len KK
Talo". Peut être une cassette vidéo. Une
tournée en Italie et continuer les concerts en France, en
Espagne et chez nous au Pays Basque.
U.R. : Pour
beaucoup d'entre nous le nationalisme est un fléau à combattre,
comment vous placez vous dans votre combat identitaire ?
Filipe : Le nationalisme basque n'est pas
comparable au nationalisme français. C'est un combat identitaire
qui oppose un peuple oppressé et deux états (français et
espagnol). C'est juste un respect des droits fondamentaux et non
une épuration ethnique, une pensée unique.
Pollux : nous sommes TOUS des Basques Kurdes Kabyles
Corses Juifs Allemands (Et toi aussi).
Kristof : L'idéal pour comprendre ce qui se passe ici,
c'est de venir et de se faire sa propre opinion. Les choses ici
n'ont pas grand-chose à voir avec d'autres pays ou on pourrait
faire des parallèles avec l'Ulster, la Palestine et Cuba. Viens
te rendre compte par toi-même ...
U.R. : Comment
faire pour qu'une région ou un pays à forte identité
culturelle ne soit pas uniquement voué au tourisme ?
Filipe : Evidement le Pays Basque vit sur le
tourisme et en a besoin, mais il y a tourisme et tout-tourisme.
Pour ne pas faire n'importe quoi, des gens commencent à
s'organiser afin d'utiliser le tourisme intelligemment
"proposant" un pays vivant à part entière et non pas
des espèces en voie de disparition. A part le tourisme il y a
des syndicats d'artisans, commerçants euskaldim (basque en
basque) qui se sont montés, en agriculture, des étudiants, des
maires intelligent (he oui !) qui proposent des schéma
d'aménagement, et l'histoire du département basque ... bref,
ça bouge.
Pollux : Tu peux très bien faire du tourisme à échelle
humaine qui enrichisse aussi bien les touristes et les locaux.
Evidement c'est moins rentable que les cages à lapins
saisonnières ...
Et au fait, on vous rappelle, que ces gars-là viennent de sortir leur second album et que leur investissement ne s'arrette pas là puisqu'il proposent via Skunk Disak un catalogue de VPC parmi les plus fourni (Skunk Diskak - Hendaiako Gazetetxea - BP 548 - 64700 HENDAIAI). Salut à eux.