ARTICLES paru dans UR 21 (Juin 99)
L'Afrique Rouge
L'enfant assis ne pleure plus.
La douleur l'a bercé, il est presque endormi.
Seule, une voix au loin, gémit.
La fureur est passée. A présent, elle s'est tue.
Sa main posée sur sa blessure,
Ruisselle encore de rouge séchant sur sa peau noire.
Ses yeux se perdent dans le brouillard
Dans sa tête résonne un étrange murmure.
Il a tenté durant trois jours
De réveiller sa mère, tombée à ses cotés.
Mais ni ses cris, ni ses baisers
N'ont reçu de paroles réconfortantes en retour.
L'enfant s'étend contre son ventre.
Il s'approche au plus près de ce corps maternel
Et s'endort d'un sommeil éternel.
Il n'est pas seul. Ils étaient trente ....
Ils étaient trente, ici. Et plus de cent, là-bas.
Leur nombre est imprécis. Leurs noms n'existent pas.
Leur histoire est marquée de peuples décimés,
Nos mémoires aveuglées de leurs vies sacrifiées.
L'Europe souveraine, supérieure et cynique,
A la Terre Africaine, pour peupler l'Amérique,
A volé ses enfants par milliers, par millions,
En mutilant son âme pour des générations.
Puis survînt la famine. Celle de nos écrans...
Quand nos rues s'illuminent au Noël arrivant,
L'enfant aux yeux trop grands nous regarde à nouveau.
Le glas du jour de l'An referme son tombeau.
Nous fournissons les armes ; ils produisent la guerre.
La Colombe salue aux couleurs militaires.
Ses avions sont au sol. Elle choisit ses victimes.
Seuls ses charters convoient vers ces morts anonymes.
Sur le Continent noir, un fleuve rouge sang
S'abat sur les vieillards, les femmes et les enfants.
La couleur de l'alerte a recouvert leurs peaux.
Le soldat de la Paix peut planter son drapeau.
Caroline Marin (Dec. 96)