Interview paru dans UR12

Marcel et son Orchestre

On se morfondait de pas les voir souvent chez nous dans l'Ouest. Et bien voilà ils sont revenus et pis maintenant, nous aussi dans UR on a réussi à voir cette curiosité qu'est Marcel avant qu'il n'atteigne les limbes du vedettariat. J'déconne c'est vraiment pas le genre. Au contraire avec Marcel le bon sens et la générosité rejoignent la dérision alors les textes frappent très fort et le discours ne change pas quand la musique s'arrête. Exemple le 13 juin dernier au B52 à Rennes.

U.R : Rapidement une petite présentation du groupe, qui vous êtes, d'où vous êtes et pourquoi vous faites ça ?
Franck : Alors je m'appelle Franck, les copains m'appellent Mouloud, je ne sais pas pourquoi mais c'est sûrement très affectif. Je fais agitateur en tous genres, percussionniste, danseur quand je peux et chanteur. Pourquoi je fais ça ? C'est parce qu'il y a tellement de gens qui ont envie de réussir dans la vie, et bien moi j'ai envie d'échouer…
Bouli : Bonsoir, moi c'est Bouli et je fais des claquettes avec mes mains.
Tof : Bonsoir c'est Tof, je voulais être maître nageur mais ils m'ont obligé à faire du trombone.
John Bob : bonsoir, appelez-moi bob, John Bob !

U.R. : Même question que pour Jim Murple, en d'autres temps, qui est Marcel ?
Franck : C'est un peu compliqué, Marcel c'est toi, c'est moi, c'est qui veut bien, c'est une place toujours vacante. C'est un peu comme demandé à Pink Floyd, qui est Pink et qui est Floyd. (Mouché le gars Ronan! , nlrd)

U.R. : On a souvent l'occasion de rencontrer des groupes du Sud-Ouest auxquels on demande s'il y a une fusion avec la scène espagnole, et en ce qui vous concerne, y a-t-il une fusion avec la scène belge ?
Franck : On commence à faire quelques rencontres avec la scène belge, Kick bzz Pide (pb de bande), PPZ30, comme Kermes, Bandarico, les anciens Mosquitos. Ce qui est intéressant en Belgique, c'est qu'il n'y a pas la volonté de fabriquer une scène. On peut très bien mettre sur le même plateau de la chanson, du hardcore et de la fiesta, ce n'est pas un problème, ça c'est très intéressant. Mais ce qui est surprenant, c'est que pour un groupe du Nord on est vachement en dessous de la Loire.

U.R. : … c'est vrai que vous n'avez pas d'accent non plus …
Franck : le problème c'est que chez nous les cigales sont un peu enrhumées.

U.R. : Vous avez joué pour le Sous-Marin à Vitrolles, vous jouez toujours costumés, cela a-t-il aidé à dédramatiser l'ambiance ?
Franck : Disons qu'on a demandé à Marcel est son Orchestre de jouer, on ne va pas changer d'attitude pour un événement. Le front national combat aussi la fête, combat le mélange, combat la différence, c'est à dire tout ce qu'on est. Si on joue contre le FN, il n'est pas il est bien évident qu'on va montrer plus que jamais ce qu'on est. C'est cette envie de fête, ces envies de mélanger nos bas instincts, cette envie de se rencontrer. Et si c'est parce qu'on joue contre le FN qu'il faut prendre un air grave, c'est leur donner trop d'importance. Il faut leur faire un grand pied de nez. C'est important de dire qu'on n'a pas peur, on fait sortir la féminité qui est en nous, on fait sortir tout ce que vous n'aimez pas et on vous le fout à la gueule, quoi !

U.R. : Vous êtes assez peu nombreux à aborder des thèmes tels que ceux qu'aborde Marcel, à faire une vraie critique des travers de lourdeaux, genre les moqueurs de grosses madames …
Franck : il y en a des millions qui disent "Legalize le Banga !", il y en a des millions qui disent "Nique la police !", "Société tu pues !". Tout ça on le sait, c'est plus un scoop. A la limite, c'est à croire que c'est devenu un passage forcé vers une identité radicale. "Moi je suis un vrai, dans mon album je dis mother fucker, je dis nique la police, je suis un authentique, dans mes albums je dis j'encule lepen," Nous, on n'a pas envie d'enfoncer des portes ouvertes et la connerie elle est repartie absolument partout. J'ai connu énormément de keupons qui vont se la jouer "la jeunesse emmerde le front national" mais qui n'ont que deux neurones et ne savent s'exprimer qu'à travers 30 slogans percutants. Derrière il n'y a pas de réflexion. Le combat contre le front national, c'est aussi en s'attaquant à tous les fascismes ordinaires, c'est tous les beaufs qui s'ignorent et garent leur bagnole sur le trottoir, tous ces beaufs qui se croient intelligents mais qui se moquent de la différence via une grosse madam e, qui vont se moquer de la différence via un souffre-douleur. C'est plus important d'appuyer là où ça fait mal. Tu te crois immunisé parce que tu es abonné à tel ou tel fanzine, parce que tu es à Reflex. Mais tu peux être étroit d'esprit comme tout le monde. Alors, avant d'attaquer les autres, regarde dans le miroir.

U.R. Vous êtes tous intermittents ? pour ceux qui taffent vos activités coupables ne posent pas de problème avec l'environnement professionnel ?
Franck : Pas tous.
Tof : Devenir intermittent c'est un choix qui n'est pas réfléchi, c'est devenu une nécessité pour certains dans le groupe. Il y en a qui savent se retourner dans la vie et d'autres un peu moins. C'était une façon pour certains d'entre nous de s'en sortir, d'en bouffer à par cher par jour d'ailleurs. Et puis non, ça ne pose pas de problème, les choses sont claires avec les gens qui nous entourent. Ils savent ce qu'on fait, nos familles aussi et il n'y a pas d'histoire là-dessus.
Bouli : ma mère est fan…

U.R. : Je me rappelle d'une sombre histoire lue dans Let's Skank, une histoire de Cadillac à Dunkerque, vous les avez revus ?
Franck : tu veux dire par rapport aux rockers qui se la jouent … Ca c'est une plaisanterie, c'est des mecs qu'on connaît qui se la jouent américains, qui en imposaient. Ca existe encore, mais on n'en parlera pas, c'est un groupe qui commence à sortir et on a pas, en plus, envie de déballer. C'est tout leur trip c'est plus sur l'apparence que sur le fond. La difficulté dans ce qu'on fait pour Marcel c'est de composer. Dans le groupe, il y a quatre intermittents à des taux un peu bêtes. Parce que quand tu demandes à être intermittent, on ne te dit pas que tu dois être demandeur d'emploi depuis douze mois, et si tu n'as pas respecté le délais et bien tu es intermittent à 1000 fr. par mois, à 2000 fr. par mois, en fait qui moins que le RMI. Ca veut dire que finalement qu'on s'est fragilisé en prenant ce statut. Moi, par exemple, je ne peux même pas passer intermittent parce que je bosse 20 heures par semaine, et lui non plus (en parlant de Bouli) parce qu'il a encore un statut d'étudiant, ça veut dire qu'on doit composer. Moi je bosse dans le sociale sur Roubaix. Heureusement, je travaille avec des gens qui sont à l'écoute et qui comprennent l'action, ce qu'on fait avec Marcel. Mais parfois c'est hard.

U.R. : Après ces paroles frappées de vérités lourdes, une partie plus légère : où passer vous les vacances ?
Tof : En studio, on est en train de composer de nouveaux morceaux.
Franck : On va passer une partie de l'été en tournée et on ne va pas jouer plein pot parce qu'on enregistre un album mi-septembre. On ne fera donc qu'une dizaine de dates sur l'été. Un album c'est long à écrire et comme on est 7, c'est encore plus long. Les vacances ce sera du 15 au 30 août. On ne se séparera que quinze jour et ça fera du bien de ne plus voir leurs sales gueules.

U.R. Et c'est lequel que tu déteste le plus dans le groupe ? (encore une question à la con)
Franck : Aucun, en fait, on s'est mis ensemble parce qu'on ne pouvait pas se sentir. C'est b'en connu, c'est la haine qui fait avancer le monde, non ?

U.R. : Ca fait bientôt dix ans que Marcel existe, vous allez sans doute fêter ça, mais où ? Au stade de France ou au stade Bolaert ?
Franck : Il y en a un qui va choisir …
Bouli : Le deux, le deux, le stade Bolaert !
Tof : sa mère est fan.
Franck : C'est vrai que ça fait bientôt dix ans, mais c'est une formation qui a beaucoup évolué. De l'origine on est deux, et en fait, ça n'existe que depuis 91 Marcel. Avant c'était plus du happening, q'un groupe de musique. Avant c'était plus pour rire des manifestations en s'imposant de force, en jouant quand même où on ne voulait pas de nous …

U.R. : Puisque Bouli est fan de foot, pour la finale Colombie/Jamaïque …
Tof : En finale ce serait la désintox totale : que les joueurs gagnent moins de fric, ce serai déjà pas si mal. Franck : La Jamaïque, oui pour les produits dérivés, pour y vivre, je ne sais pas. Apparemment ça joue facilement du gun là-bas. Mais ce qu'on nous on dit c'est que c'est bien qu'il y ait la coupe du monde parce que pendant que les mecs sont devant la télé, les filles sortent entre elles, et nous on est là…

U.R. question sociale : vous avez des pronostiques de manif pour la rentrée ?
Franck : oui, pour le droit à la paresse ! (J'ai pas vu qui c'était) : On va brûler la bourse …
Tof : que le PS redevienne un partie de gauche (de gauches ?, ndlr).
Franck : que le peuple de gauche revienne à gauche et que les groupes de rock fassent moins de chansons faciles sur le monde politique et plus de chansons sur le monde économique ! Parce la politique ce n'est pas ce qui dirige le monde, ce qui dirige c'est l'économie. Alors si tu veux te la jouer nique le system ne sois pas son homme sandwich avec 3000 balles de fringues sur le dos !

Ben voilà, ce n'est pas dur d'être cohérent avec soi même. Ca rejoint pile poile les propos de Ginger Skandy dans Gun Fever n°1 qui dit en somme que payer un CD à 100 Balles c'est bien si l'argent est réinvesti dans la distrib ou les concerts, mais si c'est pour payer le Fred Perry à 350 fr. du gus, là c'est plus pour nous. Mais pour en revenir à Marcel promis, l'ironie c'est bien quand on se l'applique d'abord à soi, et surtout quand elle n'est pas gratuite. Ok ! En marge de l'interview, on apprend aussi que Marcel nique aussi le système et les majors, mais alors gros comme ça. Alors rendez-vous en fin d'année sous les sillons de Big Mama Rcd. Qui devient Big Mama Prod. ?

Merci à Franck et aux autres.

Pour contacter Marcel : ASSO TOURBILLON - 19, place Vanhoenacker - 59000 LILLE